L'accord parfait mineur du 28 Avril
Grâce à quelques amis experts en stratégie militaire, j'ai enfin pu comprendre pourquoi l'Accord du 28 Avril des intermittents, pourtant salué par tous les partenaires sociaux du secteur, pourrait tout simplement finir à la poubelle.
Sur le champ de bataille, les intermittents, la CGT, le Medef et le gouvernement constituent les 4 forces en présence, chacune ayant ses objectifs, ses armes et ses faiblesses, passons-les en revue...
1. Les intermittents (et leurs alliés, partenaires sociaux du secteur y compris patronal, la Cip...) souhaitent la validation de l'Accord qui va dans le sens d'une bataille engagée depuis 2003.
- arme : le blocage des festivals, théâtres, radios...
- faiblesses : peu de combattants au regard des 110 000 personnes indemnisés par l'Assurance-Chômage, mais qui ont montré leur détermination à plusieurs reprises
2. La CGT utilise son combat sincère contre la "loi travail" pour tenter d'endiguer son déclin (une pierre, deux coups). La confédération fait face a une érosion continue de ses adhérents. Toujours majoritaire aux élections de 2015 mais d'une très courte tête sur la CFDT, la centrale subit depuis 2 décennies une perte d'adhérents qui se tournent vers des syndicats plus réformistes, moins campés sur des positions nobles mais irrealistes. Dans ce contexte, une "loi travail" hostile aux salariés constitue l'occasion rêvée pour reprendre la main, et tenter d'apparaitre comme la seule force capable de les défendre. Elle reste favorable à l'Accord dont la branche Spectacle est une des initiatrices, mais ce n'est pas sa priorité.
- arme : le blocage du pays
- faiblesses : une base représentative minuscule, l'usure et la défection des combattants
3. Le Medef souhaite dépenser moins pour les salariés et les chômeurs. Bien que plus économe que la convention actuelle dont il est à l'origine, le mouvement est plutôt défavorable à l'Accord, mais pourrait difficilement le refuser si des aménagements ou l'aide de l'Etat le rendait compatible avec ses propres exigences initiales (185 m€ d'économie annuelle).
- arme : le départ de la table des négociations sur l'assurance chômage pour pourrir la situation et attendre un an de plus, en espérant que la Présidentielle accouche d'un gouvernement (encore) plus favorable.
- faiblesses : aucune, sur les trente dernières années c'est toujours le Medef qui gagne à la fin.
4. Le gouvernement (président) souhaite être réélu dans 1 an. Cet objectif déjà difficile même quand "ça va mieux", devient très compliqué avec des manifestations depuis 4 mois et une paralysie toujours possible. Il voudrait à la fois, le passage de sa fameuse loi, des festivals d'été paisibles, une baisse durable du chômage, et tant qu'on y est, que la France gagne l'Euro de foot. Nos dirigeants tentent de rétablir le calme avec la stratégie de la division par le portefeuille, méthode qui consiste à diminuer la contestation par morceau en donnant des compensations à des catégories, des entreprises stratégiques, pour que les irreductibles soient de moins en moins nombreux. Le bal a commencé avec les chercheurs, la SNCF, les enseignants... et les intermittents déjà bénéficiaires des 80 m€ du Fond de Soutien, qui sera rallongé si nécessaire.
- armes : la décision finale avec l'assemblée ou le 49,3
- faiblesses : courrir trop d'enjeux à la fois, comporte le risque de n'en atteindre aucun
Dans ces conditons l'Accord du 28 Avril semble peu de chose, il est lui aussi "pris en otage" par des enjeux plus importants.
Le 1er Juillet comme date d'application est déjà hypothétique, mais il pourrait être aussi catastrophique. En effet, avec toute la bonne volonté de l'Unedic, de Pôle Emploi et de l'armée de programmeurs du centre de calcul, je vois mal comment mettre à jour le logiciel d'Assurance Chômage de Pôle Emploi en moins d'un mois. Autrement dit, les intermittents qui ouvriront des droits en début d'été sous cette nouvelle convention, devront être patients en attendant que le système soit pleinement opérationnel...